Point 5.4 de l'ordre du jour Document de séance 47

Deuxième Forum mondial fao/oms des responsables de la sécurité sanitaire des aliments

Bangkok (Thaïlande), 12-14 octobre 2004

Prévention et réaction en cas de contamination intentionnelle

(Document préparé par le Canada)

CONTEXTE

Des cas sporadiques de menaces d'altération et de contamination intentionnelle des denrées alimentaires se produisent dans le monde entier. La vulnérabilité du public face à ces actes a été prouvée à plusieurs reprises. Par exemple, récemment, un groupe d'étudiants a mis du poison dans un chaudron de soupe, expédiant du même coup plus d'une centaine de leurs camarades de classe à l'hôpital avec des maux de tête, des vomissements et des diarrhées. Récemment aussi, un escroc a été accusé d'extorsion et de falsification de produits de consommation pour avoir livré plusieurs denrées alimentaires falsifiées, notamment du lait maternisé contaminé à l'acide borique, à une chaîne d'épicerie et avoir exigé une rançon pour éviter que des aliments empoisonnés ne soient placés sur les étalages des épiceries. La simple allégation publique d'altération peut susciter de vives préoccupations dans l'esprit du public, comme on en a eu la preuve il y a quelques années lorsqu'il y a eu plusieurs cas d'altération présumée de dindon avec du cyanure. Cela s'est soldé par de nombreuses enquêtes, des rappels de produits et des avis au public.

La falsification peut se définir comme l'altération intentionnelle d'un produit, de son contenant ou de son étiquette dans l'intention de nuire. Au Canada, la falsification des produits peut donner lieu à des poursuites pour délit en vertu du Code criminel du Canada. Le Code ne contient aucune disposition particulière au sujet de l'altération des produits, même si certains articles consacrés aux méfaits publics, à l'articulation de menaces et à l'extorsion peuvent s'appliquer.

Contamination intentionnelle

La contamination intentionnelle des aliments présente de sérieuses difficultés aux organes de réglementation, aux fabricants, aux producteurs et aux distributeurs de produits alimentaires. Il existe des vulnérabilités à chaque étape de la chaîne alimentaire. Au niveau de la production agricole, par exemple, compte tenu de l'embauche fréquente de travailleurs migrants pour la récolte, il est difficile de vérifier les antécédents de ces travailleurs. En outre, de grandes quantités d'aliments sont régulièrement livrées aux élevages de bétail, et il y a souvent des visiteurs et d'autres éléments qui risquent d'introduire des maladies ou d'autres agents. Au niveau de la fabrication, de nombreuses usines de transformation n'ont pas un dispositif de sécurité suffisant. Par exemple, l'accès aux véhicules de transport et aux édifices peut ne pas être suffisamment contrôlé et les visiteurs ne sont pas toujours faciles à identifier ou à surveiller de près. Au niveau de la vente au détail, les étalages de fruits et légumes et d'aliments prêts à consommer peuvent également être facilement la proie d'une contamination intentionnelle. La détection de ce genre d'acte est entravée lorsque les coupables décident d'utiliser des contaminants qu'on ne cherche pas systématiquement à dépister dans les produits alimentaires, ce qui en empêche la détection durant les opérations de surveillance courantes.

Gestion des urgences

On invoque souvent la gestion des urgences en cas de contamination intentionnelle de produits alimentaires, surtout lorsqu'il s'agit d'une contamination à grande échelle. Il est généralement reconnu qu'il y a quatre éléments à la gestion des urgences: la prévention, soit le fait d'empêcher qu'une urgence survienne ou l'atténuation des risques qui se rattachent à une situation d'urgence; l'état de préparation, soit l'élaboration de politiques, de procédures et de plans efficaces pour gérer les urgences; l'intervention, soit les mesures prises immédiatement avant, durant ou directement après la survenue d'une urgence; et le rétablissement, ou les efforts déployés pour réparer et rétablir une situation après une urgence. Ce document n'abordera que les trois premiers éléments: la prévention, l'état de préparation et l'intervention.

Les urgences sont inévitables: la question n'est pas de savoir « si », mais « quand » une urgence surviendra. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que les urgences sont très astreignantes et qu'elles réclament des ressources et une aide supplémentaires; toutefois, il est possible de les gérer avec succès. Une crise risque d'éclater si une urgence est mal gérée.

Prévention

Empêcher qu'une urgence ne survienne ou atténuer l'impact qui se rattache à une situation d'urgence font partie des activités quotidiennes régulières de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). Parmi les activités de prévention, mentionnons l'établissement de normes et de stratégies d'application des règlements pour réglementer l'introduction de même que la propagation au Canada de dangers possibles dans les produits alimentaires; la fourniture aux consommateurs de renseignements et de réponses rapides lorsqu'on constate que des aliments sont impropres à la consommation; les activités d'inspection de la salubrité des aliments pour déterminer les produits contaminés; les activités à la frontière (inspections, audits et analyses) au sujet des produits importés pour détecter et gérer les maladies à l'intérieur des frontières du Canada; la collecte de renseignements internationaux sur les dangers pour aviser les fonctionnaires de l'ACIA des nouvelles menaces éventuelles; et, avec le concours de partenaires comme Santé Canada et des collègues provinciaux, les activités d'enquête et de surveillance dans un certain nombre de secteurs clés de la consommation nationale et des importations pour atténuer les risques d'éventuels dangers. Ces efforts visant à empêcher les urgences sont les premières mesures à prendre pour atténuer les impacts des dangers décelés, notamment la contamination intentionnelle des produits alimentaires.

Tous les ordres de gouvernement, l'industrie et les consommateurs se partagent la responsabilité de la prévention des incidents de contamination des produits alimentaires. Mais aucun groupe ne peut y parvenir à lui seul. L'une des solutions les plus pratiques à ce problème consiste à adopter une approche pluridimensionnelle à l'égard de la protection des produits alimentaires. Cette stratégie utilise une combinaison d'activités traditionnelles de salubrité des aliments et de mesures de sécurité.

Des principes scientifiques objectifs constituent les bases de la prévention de la contamination intentionnelle et non intentionnelle des produits alimentaires. Grâce à ces principes objectifs, les organes de réglementation, les producteurs et les transformateurs acquièrent une solide compréhension des systèmes alimentaires, de leur contamination possible et des vecteurs possibles de contamination. En sus de principes scientifiques objectifs, il y a un vigoureux programme de salubrité des aliments qui peut comporter des Systèmes d'analyse des dangers - points critiques pour leur maîtrise (HACCP) ou de bonnes pratiques de fabrication (BPF) dans l'industrie, parallèlement à des programmes de surveillance des risques administrés par le gouvernement. Ces systèmes contribueront à dissuader les gens de contaminer délibérément des produits alimentaires et constitueront le fondement d'un système de détection précoce des incidents. Les programmes de salubrité des aliments n'ont toutefois pas été conçus pour protéger les consommateurs contre les intentions coupables. C'est pourquoi le dernier niveau est la sécurité, qui a surtout des chances de se produire au niveau des producteurs, des fabricants et des distributeurs. Ce niveau prévoit un resserrement de la sécurité physique comme la surveillance par vidéocaméra, la protection des approvisionnements en eau et des cartes d'accès intelligentes pour les employés; la sécurité des employés, notamment la vérification de leurs antécédents, et la surveillance des allées et venues des employés et des visiteurs; et, enfin, un examen des activités pour déterminer les éventuelles vulnérabilités du système existant et concevoir des procédures pour y remédier. Cet examen doit également comporter des plans d'urgence, des numéros de téléphone d'urgence et des plans de communication détaillés.

État de préparation

Il importe de rappeler que les urgences entraînent une augmentation des demandes de renseignements et nécessitent une augmentation des moyens de communication. Pour commencer, on constate souvent une pénurie de renseignements. À mesure que la crise prend de l'ampleur, il risque alors d'y avoir trop de renseignements provenant de tous les azimuts. Malheureusement, beaucoup des renseignements risquent d'être conflictuels, surtout dans le cas d'une crise qui met en jeu plusieurs juridictions. De solides plans de communication sont indispensables à la gestion des urgences, surtout de celles qui concernent la contamination intentionnelle des produits alimentaires et les risques de panique dans le public.

Au Canada, la Loi sur la protection civile confie à l'ACIA un rôle dirigeant dans la préparation et les interventions face aux urgences relatives à la salubrité des aliments, à la santé des animaux, à la protection des végétaux ou à l'un quelconque de ses programmes. L'Agence est chargée de préparer des plans d'urgence et de se doter d'un potentiel d'intervention efficace face à ces urgences. Une série de plans ont été préparés, à commencer par le Manuel d'intervention en cas d'urgence de l'ACIA, sans oublier les plans d'urgence fonctionnels relatifs à la salubrité des aliments, ou les plans et les procédures propres à certains dangers.

Pour être efficaces, les plans d'urgence doivent être testés et, par conséquent, l'état de préparation consiste à mener des exercices dans le cadre ces plans. Le gouvernement fédéral se prépare constamment à intervenir avec rapidité et efficacité en cas de situation d'urgence à même d'avoir un impact sur le secteur agricole et alimentaire, peu importe que la crise soit accidentelle ou intentionnelle. L'expérimentation des plans en révèle les faiblesses et permet aux planificateurs de les améliorer. L'ACIA expérimente ces plans régulièrement en invitant la participation à la fois de l'industrie et des collègues du gouvernement.

Intervention

L'intervention désigne la mobilisation d'effectifs et de ressources et la mise en oeuvre éventuelle de plans d'urgence pour intervenir immédiatement afin d'atténuer les conséquences d'une situation néfaste. L'ACIA compte deux groupes qui se livrent à la gestion des situations d'urgence: l'Équipe nationale d'intervention d'urgence (ENIU), qui se trouve à l'Administration centrale, et l'Équipe d'intervention d'urgence des centres opérationnels (EIUCO), située dans le centre opérationnel concerné. Le rôle de l'ENIU consiste à régler rapidement la situation d'urgence à l'échelle nationale. L'équipe met en oeuvre les plans d'urgence fonctionnels ou propres à un danger qui conviennent. Le rôle de l'EIUCO consiste à assurer la résolution rapide de la situation d'urgence au niveau des centres opérationnels. L'équipe met en oeuvre les plans voulus de même que les politiques et les procédures élaborées spécialement par l'ENIU. L'EIUCO relève de l'ENIU.

Parmi les activités d'intervention, il faut mentionner: l'évaluation des risques, qui, au Canada, est confiée à Santé Canada; la gestion des risques, qui désigne les mesures prises pour atténuer les risques; les communications internes et extérieures avec les consommateurs et les collègues responsables de la salubrité des aliments; les analyses en laboratoire; l'exécution des programmes, la fourniture de conseils juridiques et scientifiques; la mobilisation de fonds pour les activités d'intervention; la facilitation de la coordination interorganisme; la coordination du recrutement des effectifs au besoin et la prestation d'une aide logistique complète aux centres des opérations d'urgence à la fois à l'Administration centrale et dans les centres opérationnels.

En cas de contamination intentionnelle de produits alimentaires, l'élément d'intention coupable pose une difficulté de plus dans la procédure d'intervention. Même s'il est important de prendre des mesures appropriées de salubrité des aliments pour atténuer les risques, les responsables des interventions doivent également tenir compte des preuves éventuelles pour intenter des poursuites. Lorsqu'il y a intention coupable, l'intervention doit être coordonnée d'emblée avec la force constabulaire. Les inspecteurs doivent être parfaitement qualifiés en ce qui concerne la collecte et le maintien de la continuité des preuves.

Leçons à en tirer